2. Partie 3 : Un Modèle 2x2x2

L’objectif de ce chapitre est de construire étape par étape un modèle d’équilibre général calculable (EGC) : un modèle à n équations indépendantes et n inconnues (ou variables endogènes) que l’on peut résoudre et qui respecte les caractéristiques supposées de l’économie étudiée.

Nous avons choisi un modèle simple, (le modèle 2x2x2) dans une version type Ricardo Viner à facteurs spécifiques. Les deux premières sections décrivent la formalisation du modèle. Ces sections nous permettront de revenir sur les implications de la loi de Walras et du choix du numéraire. Les sections suivantes montrent comment effectuer une application numérique sur le logiciel GAMS à partir de données initiales fournies par une matrice de comptabilités sociale.

1.Les caractéristiques de l’économie modélisée

  • Il s’agit d’une petite économie ouverte sur l’extérieur qui produit deux biens parfaitement substituables aux biens étrangers (dont l’offre est infiniment élastique).
  • L’activité productive est composée de 2 secteurs: l’agriculture dont le facteur spécifique est la terre et l’industrie dont le facteur spécifique est le capital. Il n’y a pas de consommations intermédiaires et le travail est libre de passer d’un secteur à l’autre.
  • Le marché des biens et le marché des facteurs sont parfaitement concurrentiels.
  • Les fonctions de productions présentent des rendements d’échelle constants (condition de profit nul) et l’offre de facteurs est donnée. Le comportement des producteurs est dicté par la maximisation du profit.
  • L’intégralité des revenus de la production est reversée aux consommateurs. Le comportement des consommateurs est décrit par un consommateur représentatif qui maximise son utilité sous respect de la contrainte budgétaire de l’ensemble des consommateurs.
  • Les interventions de l’Etat sont limitées à la politique fiscale. Ses recettes sont tirées des revenus d’une taxe à l’importation et ses dépenses prennent la forme de transferts en faveur des ménages.
  • Il n’y a ni épargne ni investissement. Les consommateurs dépensent l’intégralité de leurs revenus, le budget de l’Etat est équilibré (dépenses = recettes). Il n’y a pas de transferts en provenance de l’étranger.

Contrairement au modèle Keynésien, les pris sont flexibles et équilibre l’offre et la demande. Ainsi le modèle distingue prix et quantités.

2.La formalisation du modèle

  • La production :

La technique de production (X) est décrite au moyen d’une fonction du type Cobb Douglas. Les facteurs de production sont : le capital (K) supposé fixe dans chaque secteur et le travail (L) qui est mobile entre les secteurs. Le coefficient A est un paramètre d’échelle. Les équations sont les mêmes pour chaque secteur (l’équation est indicé i avec i = 2 ).

Équation de production (1-2):

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Le comportement des producteurs est dicté par la maximisation du profit sous contrainte de la fonction de production. Le fait que le marché du travail soit concurrentiel implique qu’il n’y ait qu’un seul taux de salaire (noté w) dans l’économie. En revanche le fait que le capital soit fixe autorise une différence de taux de rémunération (noté r) entre les secteurs. Ceci qui explique que le taux de rémunération du capital soit indicé i contrairement au salaire.

Les conditions de premières ordres (CPO) du problème d’optimisation des producteurs impliquent:

Équation de demande de travail (3 – 4) :                 Équation de rémunération du capital (5-6):

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Les équations donnent la demande de travail de chaque secteur. Nous n’avons pas à déterminer la demande de capital puisque le stock de ce dernier est donné. Le taux de rémunération du capital est sectoriel.

  • Les revenus

Les ménages reçoivent l’intégralité des revenus des facteurs travail (w.L) et capital (r.K) et un transfert de l’Etat (G) :

Equation 7 :

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L’Etat tire ses revenus (T) d’une taxe sur les importations (soit t le taux de taxe) de biens industriels (ici le secteur industriel est i = 2) :

Equation 8 :

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Le signe (-) s’explique par le fait que la demande d’importation est une offre excédentaire (ES) négative.

  • La consommation et les dépenses.

Les préférences du consommateur représentatif sont décrites par une fonction d’utilité  (U) de Stone Geary.

Equation 9 :

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où  cmin représente la consommation incompressible en bien i et   une propension marginale à consommer le revenu résiduel.

Le comportement du consommateur est dicté par la maximisation de U sous respect de la contrainte budgétaire du ménage puisqu’on suppose qu’il n’y a pas d’épargne. Ce qui conduit aux fonctions de demande suivantes:

Equation 10 et 11 :

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La valeur du budget alloué à la consommation de i est égale à la somme de la dépense incompressible en bien i et d’une fraction fixe du revenu résiduel. Ce dernier étant défini comme le revenu qu’il reste aux ménages une fois effectuées toutes les dépenses incompressibles. Ce système de fonction de demande est souvent qualifié de système linéaire de dépense (LES « Linear Expenditure System »).

Les dépenses publiques (G) prennent la forme d’un transfert en faveur des ménages. Comme on suppose que le budget de l’Etat est équilibré on a:

Equation 12 :

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  • Les prix

Les prix mondiaux (P*) sont donnés en devises (hypothèse du petit pays). Compte tenu de l’hypothèse de substituts parfait entre les biens importés et les biens produits localement, le prix local du bien i est égal à la valeur en monnaie locale du prix mondial exprimé TTC (noté P). e est le taux de change. Le prix local du bien industriel importé (ici le secteur industriel est i = 2) est le prix mondial (P*) augmenté d’une taxe à l’exportation (t).

Equation 13 et 14:

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  • Les conditions d’équilibres sur les marchés et l’identité de Walras

Le modèle comporte 4 marchés donc 4 équations d’équilibre.

2 Marché des biens: Si la consommation excède la production, l’offre excédentaire (ES) positive représente des exportations, dans le cas contraire l’offre excédentaire est négative et représente en valeur absolue les importations.

Equation 15 et 16:

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1 Marché du travail: On suppose l’offre de travail exogène et égale à la demande de travail sectorielle.

Equation 17:

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1 Marché des devises: L’offre de devis équilibre la demande de devise, c’est à dire que la balance commerciale est équilibrée puisqu’on suppose qu’il n’y a aucun transfert extérieur (l’offre de devises provient des recettes d’exportations et la demande de devises est destinée au paiement des importations).

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Si nous avons quatre marchés, selon la loi de Walras, si n-1 marchés sont à l’équilibre alors le nième marché est aussi équilibré c’est à dire que si 3 marchés sont équilibrés alors le 4 ème l’est aussi. Cette équation se déduit donc automatiquement de l’ensemble des équations du modèle et n’a pas besoin d’être spécifiée.

3.Les éléments permettant la construction du modèle sur GAMS

Le modèle est donc constitué de 17 équations et donc de 17 variables endogènes.

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La résolution du modèle suppose qu’il y ait autant d’équation que de variables endogènes. Les variables endogènes sont :

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Le taux de change est choisit comme numéraire.

La présentation du modèle 2x2x2 est téléchargeable ICI.

4. Simulation et interprétation des résultats

La finalité de tout modèle est d’avoir des éléments d’analyse concernant les effets nets d’une réforme économique.  Pour cela, il est important de maîtriser les hypothèses du modèle, son système d’équation et bien entendu de réussir à faire une analyse claire et précise des résultats d’une simulation.

  • Exemple de simulation: La  hausse du prix mondial du bien d’exportation.

L’ensemble des hypothèses d’évolution des variables exogènes constitue un scénario. Ici on simule une augmentation de 20% du prix mondial du bien agricole. La quasi-totalité des variables endogènes est affectée. Il convient d’en expliquer leur évolution.

2 étapes distinctes dans l’interprétation des résultats :

Etape 1: les variables immédiatement impactées : les prix des biens

La variable directement impactée est la hausse des prix locaux (P). Leur valeur dépend du prix mondial, du taux de change, et des taux de taxation. Le taux de change est considéré être le numéraire dont la valeur est stable. Le taux de taxation est considéré être un instrument de politique publique exogène qui ne fait ici pas l’objet de simulation. L’économie considérée ici supposée être un « petit pays » n’ayant pas d’influence sur les cours mondiaux, ainsi, la hausse du prix mondial se répercute directement sur le prix local des biens agricoles.

Etape 2: les variables indirectement impactées :

Le secteur productif

Au niveau sectoriel, la production dépend du stock de capital et de la quantité de travail utilisée. Comme le stock de capital est supposé donné, alors la production suit l’évolution du facteur travail.  (voir Rappel théorique : L’équilibre sur le marché du travail concurrentiel).

Ainsi, suite à la hausse du prix du bien agricole, les producteurs de biens agricoles souhaitent produire plus afin d’accroître leur revenu. La hausse de la demande de travail qui en résulte, exerce une pression à la hausse sur le salaire, qui attire une partie de la main d’œuvre du secteur industriel. La main d’oeuvre quitte l’industrie pour l’agriculture.

Dans le secteur industriel, la hausse du salaire, contraint les producteurs à réduire l’emploi. Comme la capacité de production dépend de la main d’oeuvre, la production augmente dans le secteur agricole et baisse dans le secteur industriel.

Les effets sur la production sont moindres que ceux observés sur l’emploi en raison de l’hypothèse de rendement d’échelle constant et de fixité du stock de capital.

Le PIB progresse en valeur.  En volume, les effets sur le PIB sont peu important. En effet, au niveau global, l’économie utilise toujours la même quantité de facteurs et seul jouent les effets liées à la réallocation sectorielle du travail. Il y a donc peu d’impact sur la production prise dans son ensemble.

Dans le secteur agricole, la rémunération du capital bénéficie de la hausse du prix  au producteur mais aussi de la hausse de l’emploi (voir : Rappel théorique: Analyse graphique). Au final elle enregistre une hausse plus importante que celle du prix local.

Dans le secteur industriel,  la baisse de l’emploi se traduit par une baisse de la productivité marginale du capital. En conséquence,   la rémunération du capital baisse.

Les revenus et la consommation des ménages

Le revenu des ménages dépend du salaire, de la rémunération du capital et des transferts de l’Etat.

La baisse de la rémunération du capital du secteur industriel , est très largement compensée par la hausse du salaire, la hausse de la rémunération du capital du secteur agricole et la hausse des transferts de l’Etat. Au final le revenu des ménages augmente.

La consommation des biens dépend du revenu des ménages et des prix. Dans ce modèle le prix par le consommateur est le même que le prix local du bien qui rémunère le producteur (il n’y a aucune taxe à la consommation).

Deux effets vont jouer sur la consommation de bien agricole.  Un effet négatif lié à la hausse du prix du bien agricole. Un effet positif lié à l’augmentation du revenu des facteurs de production. Effets prix et effets revenu  se compensent car la résolution du modèle montre que la consommation de bien agricole ne baisse que de 2% alors que la hausse du prix mondial était de 20%.

Les deux mêmes effets vont jouer sur la consommation de bien industriel. Un effet négatif lié à la hausse du prix du bien agricole, en raison de l’hypothèse de complémentarité des biens. Un effet positif lié à l’augmentation du revenu. L ‘effet prix indirect est cependant limité et s’avère largement dominé par l’effet revenu.  Au final la consommation de bien industriel augmente.

La forte progression de  la consommation de bien industriel compense largement la légère baisse de la consommation de bien agricole.  Elle permet aux ménages d’enregistrer un gain en termes de bien-être.

 

  • Le commerce extérieurLe commerce extérieur est intégré dans le modèle sous la forme d’excédent exportable, c’est-à-dire la différence entre la production et la demande intérieure, ici la consommation.  Lorsque l’excédent est positif, le bien est exporté, et inversement lorsque l’excédent est négatif le bien est importé.En situation inhale, l’économie considérée exporte le bien agricole. La hausse de la production couplée à la baisse de la consommation, permet une forte hausse de l’excédent exportable. Les exportations de bien agricole progressent en volume.

    L’économie importe le bien industriel. La baisse de la production est renforcée par la hausse de la consommation, au final les importations progressent.

    Le financement en devise des importations est rendu possible par la progression des quantités exportées et la hausse de leur prix.

    Les recettes douanières bénéficient de la forte progression des quantités importées et augmentent.

    Au final, la hausse du prix du bien exporté renforce l’ouverture de l’économie.  Les ménages bénéficient largement du développement des échanges.

  • Quelques rappel théoriques pour aider à la compréhension des mécanismes sous-jacents au modèle 222:

Les mécanismes présentées aident à comprendre la théorie microéconomique qui s’applique aux modèles d’équilibre général selon les hypothèses effectuées par le modélisateur.

Rappel: « Maximisation du profit et égalisation productivité marginale en valeur et salaire»

Rappel « Graphique : productivité et fonction de demande de travail»

Rappel « Déplacement de la courbe de productivité marginale en valeur »

Rappel : Exemple de la Cobb Douglas»

Rappel : « Simulation hausse de P1, effets sur la rémunération du capital»

Rappel : « Fabrication et vue de l’équilibre sur le marché du travail 

Rappel: « Effet d’une hausse du prix P1 »

 

5. Applications :  programmation sur GAMS

  • Prérequis

Pré-requis : Si vous n’avez pas encore la maîtrise des éléments de programmation sur GAMS, veuillez effectuer comme exercice préalable la programmation du modèle Keynésien présenté ici avec en support technique la présentation des étapes de programmation sur GAMS ICI.

L’objectif des applications suivantes est de construire le modèle 2x2x2 étape par étape. Les 4 premières questions peuvent être réalisées sur un document word avant de passer sur GAMS à partir de la question 5. Le temps devant être consacré à la réalisation des exercices est croissant.

  • Application 1: Construction du modèle 2x2x2 sur GAMS

Question 1: A partir de la présentation du modèle ci-dessus et du cours téléchargeable, lister les variables du modèle, lister les équations du modèle.

Question  2: Classer les variables en : paramètres, variables exogènes, et variables endogènes. Il doit y avoir autant d’équations que de variables endogènes.

Question  3: Calibrer c’est à dire assigner à chacune des variables exogènes et endogènes du modèle une valeur en situation initiale selon les données de la MCS disponible ICI. Le nom des variables en situations initiales initiales est souvent C0(i) pour la variable C(i) du modèle.

Question  4: Calibrer chacun des paramètres du modèle sur les données de la MCS et selon les équations du modèle. La valeur des paramètres sera toujours la même avant et après simulation.

Veuillez trouver en page 10 le corrigé à la Questions 1à 4 :ICI

Question  5 : Programmer les questions 1, 2, 3 et 4 sur le logiciel GAMS. Pour cela, déclarer un indice i pour les variables qui concernent le secteur industriel et le secteur agricole et que la calibration des variables suivent une ordre bien précis. Vérifier régulièrement qu’il n’y a pas d’erreur de syntaxe en faisant « tourner » le logiciel GAMS (flèche rouge).

La formation concernant les 7 étapes de programmation sur GAMS sont disponibles ICI.

Question  6 : A partir de la commande DISPLAY, éditer les résultats de la calibration de chacune des variables du modèle dans le fichier . lst.  et comparer les valeur des variables avec celles de la MCS pour valider votre calibration.

Question  7 : Au lieu d’assigner à chaque variable une valeur, programmer l’importation des données de la MCS depuis Excel. Effectuer de nouveau votre vérification via la commande display.

La formation concernant l’importation des données directement depuis Excel est disponibles ICI.

Question  8 : Lister les variables exogènes et endogènes du modèle.

Question  9 : Définir un nom pour chacune des équations du modèle.

Question  10 : Ecrire sur Word les équations du modèle (au nombre de 17) sous le langage d’une écriture GAMS. Le langage de programmation de GAMS décrit ICI est important pour l’écriture des équations.

Question  11 : Initialiser le modèle en déterminant les variables exogènes (.FX) et les variables endogènes (.L).

Question 12 : Programmer sur GAMS : le nom des variables (endogènes et exogènes) du modèle, le nom des équations, les équations. Le langage de programmation de GAMS décrit ICI est important pour l’écriture des équations.

Question  13 : Résoudre le modèle par le solver CNS. Vérifier qu’il n’y a pas d’erreurs identifiées par le logiciel (ni rouge : erreurs de synthaxe), ni bleues (de modélisation).

Question  14 : A partir de la commande DISPLAY, afficher les résultats le valeur des variables endogènes du modèle dans le fichier . lst.  et comparer la valeur des variables avec celle obtenue lors de la calibration pour vérifier la cohérence de vos équations avec votre calibration. Sans simulation la valeur des variables endogènes doit la même que la valeur obtenue lors de la calibration. Cette étape permet de tester si le modèle fonctionne correctement et est capable de retrouver la valeur initiale des variables endogènes. Si tel est le cas on peut effectuer des simulations.

Question 15 : Vérifier la loi de Walras.

  • Application 2: Effectuer une simulation et interpréter les résultats:

Pour guider la rédaction, il est possible de répondre en quelques lignes à chacune des questions suivantes :

Pourquoi est ce que l’emploi augmente dans le secteur agricole ?

Pourquoi la production augmente dans l’agriculture ?

Pourquoi le prix des biens ne varie pas ?

Pourquoi le salaire augmente ?

Pourquoi est ce que le revenu des ménages augmente?

Pourquoi est ce que l’utilité des ménages augmente ?

Pourquoi la consommation des biens augmente ?

Pourquoi est ce que les exportations augmente?

Pourquoi est ce que les importations augmente ?

– Pourquoi est ce que la rémunération du capital baisse dans l’agriculture? et dans l’industrie ?